Le récit de la mort de Dessalines


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Assassinat_Dessalines
Illustration de l'assassinat de Dessalines, Par Riorkak -Wikimedia

[…] La révolte, que tout le monde attendait en se demandant si elle partirait de l’Ouest, du Nord ou du Sud, éclata en octobre 1806 à Port-Salut. L’Empereur décida d’aller la réprimer lui-même en proférant la menace terrible que « son cheval galoperait dans le sang jusqu’au poitrail ».

À son départ de Saint-Marc, il rencontra sur la route l’un de ses aides de camp, le mulâtre Delpêche, qui, fuyant l’insurrection, était parti à toute bride de Petit-Goâve pour venir le renseigner à temps sur les progrès de la révolution, dont le ministre de la guerre Gérin avait pris la direction. Dessalines repoussa rudement cet informateur fidèle dont il se méfiait et qui fut peu après baïonnette par les troupes loyales du colonel mulâtre Louis Longuevalle.

Dessalines envoya en avant le colonel Thomas (noir) et le chef de bataillon Gédéon (noir) avec six compagnies d’élite en leur donnant l’ordre de l’attendre au Pont-Rouge, à un demi-mille de Port-au-Prince. Quand ceux-ci arrivèrent à destination, ils furent faits prisonniers par les généraux Gérin (mulâtre), Vaval (noir) et Yayou (noir). Le colonel Thomas hésita à se prononcer contre Dessalines : il fut consigné au bureau de la place. Le commandant Gédéon, qui accueillit franchement l’insurrection, fut placé à la tête des six compagnies. Il fit savoir à Gérin que l’Empereur lui avait ordonné de l’attendre au Pont-Rouge. Il ajouta que Dessalines lui avait dit qu’avant d’entrer au Port-auPrince, il voulait le découvrir debout sur le pont. Sur les instances de Gérin, il se déshabilla et donna son uniforme à un officier de la 21e brigade de Léogane de même corpulence que lui. L’historien Timoléon-C. Brutus a jugé avec sévérité la conduite de Gédéon qui, dit-il, « livra aux insurgés le secret de l’Empereur et permit le drame sanglant du 17 octobre 1806 ».

Distinguant au loin la silhouette de l’officier qu’il prenait pour Gédéon, Dessalines s’avança sans méfiance et tomba dans le piège qui lui avait été tendu. Quand il vit abattre l’Empereur, dont il avait été si longtemps le conseiller perfide, Mentor, ce nègre de la Martinique qui avait déjà promis ses services à Christophe, dit à pleine voix : « Vive la liberté ! Vive l’égalité ! Le tyran est abattu ! » Le général noir Yayou plongea son poignard par trois fois dans le corps inanimé de l’Empereur, dont les membres déchiquetés furent jetés à une populace sanguinaire. Et c’est une folle, Défilée – plus sage que tous ces forcenés – qui recueillit les restes épars de Dessalines. Mais ce jour-là aussi, pour l’honneur du peuple haïtien, s’accomplit l’un des plus beaux actes de notre histoire. Dessalines, tombant de cheval sous une décharge de mousqueterie, eut ce cri suprême, venu des profondeurs de son être : – À mon secours, Charlotin ! Et tandis que tous les autres compagnons de l’Empereur prenaient la fuite ou se rendaient aux insurgés, le colonel Charlotin Marcadieux courut vers son ami et le couvrit de son corps. Et il mourut, dit l’historien, « la tête fendue d’un coup de sabre ».

Ce Charlotin Marcadieux était un mulâtre.

 

Dantès BELLEGARDE

* Sources : Bellegarde, D. (1953). Histoire du peuple haïtien (1492-1952). Port-au-Prince: Les Éditions Fardin.

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