Furieux, sur son visage je peux compter aux moins dix traits. Curieux, guettant l’entourage des yeux, me confirme de lui un tableau un peu discret. Ce n’est pas un fou, mais plutôt un individu que l’orage et la rage de la vie a un peu distrait. Tous pensent ce qu’il dit est flou, mais je vois défiler de sa bouche une vérité logique et infaillible sous la peinture de dix craies… J’essaie de vous tailler sa sculpture, de vous graver son verbe et de vous étendre son portrait.
L’audience promet quelque chose de terrible. D’un bond le marteau s’abat sur la table et rapidement les murmures de l’assistance perdent leur éveil dans la berceuse du silence.
– Monsieur MACAYA, pour mieux se pencher sur votre cas, vous devez avoir un avocat.
– Votre Honneur Monsieur le Magistrat, je respecte humblement votre opinion mais je dois honorer ma décision.
– Très bien, mais monsieur MACAYA, je vous prie de ne pas compromettre votre situation. Et de plus, c’est un procès pénal. Soyez sage dans votre décision pour ne pas vous enfouir dans un chaos infernal.
– Votre Honneur, j’ai écouté la voix de la sagesse qui m’a dit de combattre moi-même mon sort jusqu’à atteindre les talons de la prouesse. Parce que dans ma société les pieux sont les étalons de la misère et de la détresse.
Sur ces derniers mots, je vois dans les yeux du juge un Vésuve près à condamner Pompéi et Herculanum. Il délie sa langue, et commence :
« Pour découvrir la brillance d’un or, il est bon d’ôter sa gangue. De même, pour connaître la beauté de notre belle Haïti, il faut traquer le gang. (Une pause brève casse la mélodie de son discours, mais il reprend sa parodie.) Je suis un garant, un gérant qui se donne la mission de faire respecter la mémoire de nos ancêtres. Je suis celui qui a fait le serment de protéger cette splendide étrenne. Mais vous avez essayé de faner la fraîcheur du symbole de leur haine. C’est comme si pour ne plus avancer vous avez brisé nos antennes. (Sa voix semble engloutir dans une tristesse profonde, peut-être même la dépression.) Votre acte n’est pas une simple infraction, c’est une atteinte à la sûreté de l’État. En fait, c’est un crime de lèse-patrie. Avant de faire une appréciation du cas, je veux votre version dans la partie. »
– (Sous les vagues d’une colère déferlante, il encourage son âme à rester calme. Et prend parole dans une prosodie lente.) Les sacrifices de mes pères sont le fils d’une vision unanime. Ils nous ont légué une terre par leur sang. Et sans mentir devant moi je vois Capoix défiler sur son cheval en tête de sa troupe qu’il anime. J’aime mon pays, mais je hais cette nation. Je suis un révolté. Révolté contre une société avare gouvernée par des barbares. Dans la Chambre, les parlementaires ne travaillent que pour hisser l’étendard du théâtre. Ils ont dénommé le Parlement pour naître l’Amphithéâtre. Toutes les élections soient disant démocratiques ne sont qu’une partie d’échec perdue d’avance. Nos dirigeants ne sont que des pions sous les doigts de l’étranger qui dans sa méchanceté veut nous étrangler.
(Le public prend à peine connaissance de son existence. Et sa voix retentit dans la salle avec stridence.) Loin de s’arrêter, il continu : « J’existe mais en même temps j’ai cessé de vivre. Mon nom est toujours écrit mais ma signature est longtemps raturée dans le livre. J’insiste pour essayer de survivre mais la société me livre comme une proie sous les crocs de l’inégalité, de la discrimination et de l’obscurité. Je suis dans une caverne où le noir dévore la lumière de mes projets. Mon avenir était clair mais il est devenu terne. Je suis dans une arène où mon spectacle fait rêver le roi et que mon âme pour la mort est sujet. La vie me gifle, mais la société me conseille de rester debout. C’est juste. Elle m’encourage de chanter le refrain mais pour empêcher l’harmonie elle détonne le son de tambour. Quel rustre ! Malgré les maux, j’ai peur de pleurer parce que je suis un homme. J’ai planifié des victoires, elle m’octroie que dé. J’ai planifié des victoires, elle m’octroie que défaites et me dit de cultiver l’orgueil du guerrier de Rome. J’ai été déporté de Bahamas sans connaître le motif. J’ai nagé pour entrer dans la nasse de la liberté, mais arrivé, je suis devenu un captif. J’ai trouvé un emploi dans une institution publique, après deux mois je suis révoqué, la mention est que j’ai été trop pieux. Dîtes-moi Monsieur le Magistrat comment regarder ton fils dans les yeux crever de faim ? Votre Honneur soyons sérieux, hein ! (Les larmes descendent avec toute son amertume…) Je regarde Son Excellence qui prend son plus grand plaisir de mentir le peuple quand ce dernier en colère foule le bitume. Je vois des parlementaires qui détournent des fonds à des fins personnelles. Je prends beaucoup de temps pour admirer le fonctionnement de notre appareil de justice pendant que je prends aussi le temps pour mirer la vraie couleur du concept de justice. Je suis pour vous un criminel, la personne qu’on devrait cribler. Mais vous avez oublié que la mort de mon fils est soutenue à cause de la dilapidation des fonds du PetroCaribe, la liquidation de nos industries. Vous avez plié votre cartable pour ne plus quémander de faire la lumière parce qu’il y a des yankees dans la gestion du CIRH. Aujourd’hui cet homme est considéré comme un roi, alors que lors du Déluge de 90 il a pillé l’Arche ». (Il eût un arrêt brutal et s’écroule sur le sol).
Une foule se lève en toute hâte pour aller secourir l’accusé. Elle constate qu’il est victime d’un projectile. Aucune détonation ! C’est mystérieux comme une épreuve cabalistique à l’intérieur d’un péristyle. De maintes démarches sont effectuées pour trouver au plus vite une ambulance, mais c’est impossible. Panne de transmission !
Ses yeux se rapetissent. L’activité psychomotrice se ralentit. Mais ses doigts glissent le sol pour écrire par son sang quelques mots sans encore prendre son ultime repos : « MON DRAPEAU C’EST MA PEAU. »
Ce monsieur devrait être jugé pour le manque de respect pour le symbole de notre liberté. Mais soyons aussi impartial : il est une victime de la société. De même que lui, les autres méritent de passer par-devant un tribunal.
Ariel Lucardi LOUIS,
Étudiant en psychologie à l’UEH
Étudiant en Psychologie au Campus Henry de l’Université d’État d’Haïti à Limonade (CHC-UEH-L). Amant de la littérature esthétique et de la littérature scientifique, moi Ariel Lucardi LOUIS, je m’engage à promouvoir la lecture et l’écriture auprès des gens de mon époque.
Bravo mon grand, c’est un sacré texte.
Tous les compliments s’en vont à l’auteur!
Tu dois bien repenser à ce que tu veux écrire vraiment. Plus de lectures te fera du bien
Merci pour votre commentaire
Ton drapeau c’est ta peau
Mon drapeau c’est ma peau
Notre drapeau c’est notre peau
Que tous les haïtiens disent et prouvent que leurs drapeaux c’est les leurs!!!
Très belle Réflexion Ariel. J’aime cette belle coup de plume!!!