Les idées reçues les plus courantes sur le féminisme


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Chaque personne peut avoir véhiculé des opinions factuellement inexactes sur le féminisme tant les idées reçues sont communes et répandues. Ce qui pourrait être qualifié d’antiféminisme de « café du commerce » imprègne l’air ambiant. Passons au filtre de la réalité une sélection des croyances les plus largement répandues.

« Le féminisme, c’est dépassé ! On a déjà l’égalité »

Le féminisme appartiendrait au passé et serait désormais inutile puisque l’égalité des sexes aurait été atteinte. Donc « qu’est-ce qu’elles veulent encore (ces hystériques de féministes) ? »

L’égalité ! Car, rien qu’en France, les chiffres sont frappants :

  • 24 % de salaire en moins pour les femmes en moyenne ;
  • une femme est tuée par son partenaire intime ou ex-compagnon tous les deux à trois jours ;
  • le président de la République a jusqu’à présent toujours été un homme.

« Une guerre des sexes menée par des femmes castratrices »

Accuser les féministes de mener une guerre des sexes ou de vouloir remplacer une domination des hommes par une domination des femmes sont autant d’épouvantails brandis, de tous temps, pour tenter de décrédibiliser les féministes. Or le féminisme n’est pas le contraire du machisme. Il vise l’égalité des femmes et des hommes, ni plus ni moins. Il n’existe pas de courants féministes revendiquant une domination des hommes par les femmes. Et s’il existe une guerre d’un sexe contre l’autre, c’est historiquement et encore aujourd’hui une guerre menée par des hommes contre les femmes. Pour s’opposer à un mouvement qui remet en question des privilèges, la facilité consiste à le caricaturer ou le dépeindre comme « extrémiste », plutôt que de débattre du fond des choses. L’idée consistant à dire que le féminisme irait trop loin est assez commune. Et il est fréquent d’entendre : « Je suis féministe MAIS… là ça va trop loin. » Trop loin par rapport à quoi ? à qui ? Quant au procès fait aux femmes féministes d’être des « femmes castratrices », on pourrait en rire en indiquant qu’il est médicalement prouvé que le féminisme n’affecte en rien les testicules. C’est plus haut que cela se passe : dans les esprits !

« Le féminisme tue l’amour et est le fruit de femmes coincées »

Les féministes et le féminisme seraient non seulement les adversaires des hommes, mais aussi les ennemis du désir, de la séduction et du couple. Cela se traduit par plusieurs qualificatifs élégamment employés contre les féministes : « coincées », « frustrées » ou, de manière plus vulgaire, « mal baisées ». On entend aussi souvent dire que les féministes seraient toutes lesbiennes car elles n’aimeraient pas les hommes ou bien, qu’à cause du féminisme, on « ne pourrait plus draguer » !

Or, dénoncer les violences sexuelles, ce n’est pas refuser toute sexualité (qu’elle soit hétérosexuelle ou lesbienne), mais promouvoir des rapports réciproques dans la séduction, le désir et le plaisir ; dénoncer les violences dans le couple, ce n’est pas remettre en question le couple en soi, mais promouvoir des relations fondées sur le respect mutuel ; de la même manière, le harcèlement sexuel est l’antithèse de la séduction.

Lorsque dans les années 1970 les féministes du MLF ont revendiqué une sexualité heureuse, synonyme de plaisir partagé, libre de violences et pouvant être déconnectée de la procréation grâce à la contraception et l’avortement, elles n’ont pas tenu de propos moralisateur sur la sexualité, bien au contraire. Si des féministes critiquent l’institution du mariage, cela ne veut pas dire qu’elles sont automatiquement contre l’idée du couple. Des féministes sont marié·e·s, d’autres non, à l’image de la société dans son ensemble. Les féministes militant·e·s sont des femmes (à plus de 90 % généralement), mais on peut aussi être un homme et féministe.

« Le féminisme, un truc d’occidentaux racistes »

Certains courants rétrogrades identitaires – tels que les islamistes ou Vladimir Poutine en Russie – essaient de faire passer l’idée que le féminisme serait un produit de l’Occident qui souhaiterait l’imposer au monde de manière impérialiste, quand d’autres – comme l’extrême droite de Marine Le Pen en France – instrumentalisent le féminisme à des fins racistes.

Par exemple, dans un discours prononcé le 19 septembre 2013, le président russe Vladimir Poutine a cherché à distinguer son pays « de l’Europe qui renonce à ses racines, à son idéologie traditionnelle, culturelle et religieuse, et même sexuelle… ». Régulièrement les discours des officiel·le·s russes mettent en avant « la préservation des valeurs traditionnelles familiales » et cherchent à s’écarter des « valeurs occidentales ». C’est ainsi que « la propagande homosexuelle » a été interdite, que les violences commises au sein des familles ont été dépénalisées ou encore que le groupe de rock punk féministe Pussy Riot a été emprisonné.

Dans plusieurs autres régions du monde, les islamistes, qui fondent leur projet politique sur une lecture fondamentaliste de la religion musulmane, ciblent le féminisme et l’égalité des sexes comme source de nombreux maux.

Chahla Chafiq, sociologue, décrypte que, pour les islamistes, « l’égalité est rejetée, car supposée « occidentale » et non conforme à la « culture musulmane », alors que ce principe est universel et universalisable. Les islamistes confondent sciemment liberté sexuelle, prostitution et pornographie. Ils vantent leur conception de la famille comme garante de la sécurité des femmes, à condition qu’elles se soumettent aux normes et lois dictées au nom de Dieu ».

La chercheuse analyse que « cette perspective peut faire sens auprès des musulmans en quête de repères dans un monde en crise. Les islamistes réhabilitent les valeurs sexistes et sexuelles pour leur offrir un cadre identitaire “sécurisant” et “valorisant”. Cette offre idéologique peut prospérer là où le vide social, culturel et politique se creuse, dans un pays dit islamique mais aussi au-delà, comme en France » (interview de Chahla Chafiq par Mina Kaci, L’Humanité, 21 octobre 2016).

En France, Marine Le Pen, présidente du Rassemblement National, en meeting électoral à Metz le 1 er mai 2019 pour les élections européennes, a affirmé que l’Europe « puise ses racines dans un héritage judéo-chrétien et porte comme valeur cardinale la liberté », et a défendu, au nom de cette liberté, « le respect intangible du droit des femmes, aujourd’hui menacé par l’islamisme dans nos quartiers, dans nos villages ». C’est sa seule évocation des droits des femmes dans son discours. Cette instrumentalisation des droits des femmes et du féminisme intervient au moment où, au Parlement européen, Marine Le Pen et les eurodéputé·e·s de son parti ont voté en 2015 contre le rapport Tarabella relatif à l’amélioration de l’accès à l’IVG, ou en 2016 contre la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

Ces différents types d’instrumentalisations s’autoalimentent et se rejoignent sur leur opposition politique à l’égalité des femmes et des hommes, défendant généralement plutôt l’idée d’une « complémentarité » des sexes. Leurs lectures culturelles et racialistes des inégalités femmes-hommes sont fréquemment dénoncées par les féministes.

Le collectif unitaire « Droits des femmes contre les extrêmes droites » s’est créé « pour lutter contre les fausses idées et le double discours répandus par les extrêmes droites » : http://droitsfemmescontreextremesdroites.org/.

Tout au long de ce livre, des exemples très anciens comme actuels attestent que les inégalités femmes-hommes n’ont pas de frontière, et le féminisme non plus. La solidarité internationale entre féministes permet le dialogue transnational, une compréhension et des revendications communes, et permet, ainsi, de refuser le piège du relativisme culturel. L’affirmation de l’universalisme des droits humains, dont les droits des femmes, ne doit pas empêcher de prendre en compte la diversité des situations d’origine, ni d’interroger les angles morts de certains mouvements en termes d’analyse croisée des inégalités.


Source : Le féminisme pour les nul.le.s (avec Bousquet, D.). (2019). First éditions.

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