L’amour est-il une invention de la civilisation ou une création divine ?


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« Je t'aime » en plusieurs langues

Introduction

L’une des tâches de toute éducation, et tout particulièrement de celle en vigueur dans notre type de civilisation, est sans aucun doute d’apprendre à l’individu à aimer, c’est à dire de l’amener à réaliser cette sorte de fusion, aimer et être aimé. L’homme, durant toute sa vie, demeure un enfant aussi longtemps que ses parents vivent, sinon jusqu’à la fin de leur vie. Toute sa vie, il doit éprouver un sentiment d’amour, de la considération, de la crainte et, de la gratitude envers les parents. En amour, on a aussi ces mêmes exigences à savoir créer un lien émotionnel continu et perpétuel. Selon Keith (1926), ces exigences-là dure non seulement aussi longtemps que le désir génital, mais longtemps après, durant toute la vie du partenaire ou même après sa mort.

Ici, nous sommes en affaire avec une dichotomie originel d’innéité et d’acquis. Innéité dans le sens que ce principe est extérieur à notre monde d’apparence. C’est un ordre de l’au-delà. Acquis dans la mesure où c’est la civilisation qui a imprégnée cette ordre. Nous savons pertinemment que l’amour ne fait pas partir de notre monde d’apparence. Il est de même nature que les idées, les valeurs, les fonctions cognitives, etc. En d’autres termes on peut dire qu’il est hors de nous et nous pouvons l’avoir qu’en le cherchant. En parallèle, l’homme est l’incarnation même de l’amour. Quel paradoxe ! Nous allons réfléchir au marteau pour établir, s’il existe une nature propre de l’amour. C’est ce que nous allons aborder dans les lignes qui suivent.  Est-ce que l’amour est une création de Dieu ou une invention de l’homme ?

Sens étymologique de l’amour

S’interroger sur ce qu’est l’amour, c’est d’abord considérer sa définition et ses aléas. Si on remonte à l’origine du mot amour chez les grecs, il se traduit essentiellement par trois mots. D’abord, L’éros, lui, est l’amour au sens d’être amoureux, l’amour des poètes pour ainsi dire. Cet amour est parfois romantique ou passionné, et s’accompagne presque toujours de désir sexuel. Dans la pensée platonicienne, il est parfois vu comme l’une des passions néfastes que produit l’épithumia (ou « appétit »), mais aussi comme une « divine folie » qui est « la cause des plus grands biens pour les hommes ».

Ensuite Filiale : La philia se rapproche de l’amitié telle qu’on l’entend aujourd’hui, c’est une forte estime réciproque entre deux personnes de statuts sociaux proches, qui mène aussi à l’entraide. Elle ne pouvait exister à l’époque qu’entre deux personnes du même sexe, du fait de l’inégalité entre les sexes.

Enfin agapè : L’agapè est l’amour du prochain proche de l’altruisme aujourd’hui, le don désintéressé. Il se caractérise par sa spontanéité, ce n’est pas un acte réfléchi ou une forme de politesse, mais une réelle empathie pour les autres qu’ils soient inconnus ou intimes.

Conception biblique de l’amour

On ne peut s’aventurer dans une telle démarche sans avoir recouru à la pensée biblique. D’ailleurs c’est la source la plus ancienne sur l’enseignement du bien et le mal ainsi que ce qui est pieux et impie ; n’en déplaise aux différentes mythes et tradition et aussi à la théorie de bing bang. Un coup d’œil sur la conception de la bible relève d’une importance capitale. Il est écrit dans la bible, Jean 15v13, qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Un sacrifice qui demande vraiment le pragmatisme des liens, du regard et surtout un grand respect envers l’objet d’amour. Dans 1 Jean, 4v7 la bible nous dit : Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres ; car l`amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu.

La bible affirme avec la plus grande limpidité que l’amour est de Dieu et l’amour c’est Dieu. Si l’amour est de Dieu nous pouvons comprendre entre les lignes qu’il existait même avant l’avènement de l’homme sur terre. Etant donné que ce sont les hommes qui créent les civilisations, l’amour devient alors sous cet angle qu’une adoption de la société. Entre autre, la bible n’écarte pas son rayonnement sur les civilisations parce que c’est un ordre divin qui régit notre manière de concevoir les multiples aspects de la vie et cela entre dans l’universalité. Ici, un questionnement survient si on fait référence à la définition de l’amour selon la conception platonicienne qui stipule que l’amour est désir et le désir est un manque. Si Dieu est amour, comment se fait-il qu’il y a un manque ? Or, nous savons (les chrétiens) que Dieu est pieux, il n’a rien d’impiété dans la nature de Dieu. Si l’amour c’est Dieu, Comment cela est-il possible qu’il est un manque ? Un vide à combler ?

Selon Denis J. MOCK ( 1989, p:58), l’amour est cette démonstration du caractère de Dieu par lequel il s’engage volontairement à se donner lui-même dans l’intérêt des hommes. Ici, on se réfère à l’essence même de l’amour. Il est insondable, immérité, infaillible etc. Ces épithètes-là font partir intégrale de la nature de Dieu. Les attributs de Dieu ne se diffère pas d’eux. C’est une façon, selon cet auteur, de montrer comment l’amour est de Dieu. Ellen White (2012, p:89) de son côté montre que l’amour est transmis à l’homme par Dieu grâce à sa bonté. Elle disait « l’amour et la sympathie que le seigneur a implanté dans nos cœurs trouvent leurs emplois le plus légitime et le plus doux. » Dans ces mots, elle explique que le cœur est le siège de l’amour et c’est Dieu qui l’a implanté.

Selon la conception biblique, cette valeur si noble, ce sentiment si profond n’est autre que l’œuvre de Dieu. Personne d’autre ne pouvait planifier une chose pareille.

 Conception philosophique de l’amour

Trouver l’origine de l’amour remonte à l’aube de l’histoire. Plusieurs philosophes ont tenté d’expliquer le phénomène qu’est l’amour. Depuis l’antiquité cette thématique a été une source d’inspiration et de réflexion pour les philosophes. Aristote conceptualise la différence entre éros et philia, mettant en valeur cette dernière. La philia idéale est celle où on s’unit non par intérêt ou plaisir, mais comme recherche du bien de l’autre sans rien attendre en retour. Tandis que pour lui l’éros est celle où on s’unit par intérêt. Aristote décrit les différentes formes amours humaines, mais il n’a pas poussé sa réflexion pour chercher l’essence même de l’amour. Le philosophe Baruch Spinoza, qui s’est sérieusement penché sur la question, notamment dans son Éthique, définit ainsi que : « L’amour n’est autre chose que la joie, accompagnée de l’idée d’une cause extérieure ; (…) Nous voyons également que celui qui aime s’efforce nécessairement de se rendre présent et de conserver la chose qu’il aime. » Selon cette approche, il est accompagné de l’idée d’une cause extérieure. Or s’il est extérieur à nous, ça ne fait pas partir de notre nature. S’il n’est pas de notre nature, il est dans l’au-delà. L’approche de Spinoza, dans une certaine mesure, rejoint la pensée biblique. D’autant plus Spinoza a été endoctriné par la pensée chrétienne.

Sternberg (2007), l’auteur du modèle des trois dimensions de l’intelligence, propose aussi un modèle des trois dimensions de l’amour. Ses dimensions sont : l’engagement, l’intimité et la passion, qui forment le triangle de l’amour. D’abord, Engagement : Dimension de l’amour basée sur un pacte tacite d’assistance entre des personnes. Ensuite, Intimité qui est cette Dimension de l’amour basée sur le partage de moments de l’expérience de vie. Et enfin la Passion qui est cette Dimension de l’amour basée sur l’attachement émotionnel entre des personnes. Pour lui, pour que quelqu’un soit arrivé au vrai amour, à l’amour complet, il doit nécessairement trouver la symbiose entre ses trois éléments. Sinon, il court le risque de ne jamais vivre l’amour dans toute sa plénitude. Il disait entre autre : « L’amour complet, ou accompli, comporte à un haut degré les trois dimensions : l’engagement, l’intimité et la passion, et prend plusieurs formes dans toutes les relations humaines les plus indicatives. »

Ils sont nombreux les philosophes qui sont interrogés par cette thématique. Parmi lesquels on peut citer : Victor Hugo, Oscar Wilde qui disait : « L’amour est un sacrement qui doit être pris à genoux. » Arthur Schopenhauer, jules Verne, Friedrich Nietzsche qui disait : « Dans le véritable amour, c’est l’âme qui enveloppe le corps. » On pouvait citer des centaines auteurs célèbres qui ont produit des réflexions sur ce qu’est l’amour. Ce qu’on doit remarquer, ils s’intéressent plus à l’éros. Ils cherchent plutôt à expliquer l’amour tels qu’il est au sein des couples. En d’autres termes, ils se laissent emporter par la sexualité au lieu de réfléchir sur la nature même de l’amour. Il y a quand même certains d’entre eux qui essaient de faire cette exercice. Cependant, les point de vue sont divisés. Pourtant, dans la majeure partie des cas ils sont penchés sur l’aspect spirituelle. Ils l’accordent à l’âme. Qui dit l’âme dit au-delà. C’est cette partie que nous n’avons pas la totalité de contrôle. En conclusion on pourrait dire qu’il se rapproche le plus possible à la pensée qui fait croire que c’est l’œuvre de Dieu.

 Conception hédonique de l’amour

Dans son sens physique, je comprends L’amour comme étant le bonheur dans tous ses états. Il est vrai que le cerveau est bloqué sur les biais de la négativité mais personne ne peut oublier les moments de bonheur que la vie leur a offerts. C’est une sorte d’autonomie, d’économie libidinale de beaucoup plus profond que les choses grégaires de la vie de chaque jour. Quand on trouve l’amour, on se sent bien comme la main du gamin de quatre ans qui caresse tendrement le sein de sa mère. C’est le principe du plaisir. C’est beaucoup plus fort que la raison. Dans ce contexte-ci c’est l’instinct, c’est l’expression des pulsions qui agit. Nous sommes en affaires ici avec l’éros. Notre nature est incapable de supporter la force pulsionnelle, même si on recourt aux mécanismes de défense. Toutefois on se livre à cette évidence, on crée de manière inconsciente place pour la névrose. Notre instinct se manifeste d’une manière ou d’une autre dans la vie quotidienne.

L’amour fait réjouir, mais il fait aussi pleurer. C’est pourquoi le stellaire chanteur et compositeur haïtien Arly L’arriverai a chanté : « je n’arrive pas à comprendre ce phénomène qu’est l’amour plus on le veut, plus il nous fuit. Je suis confus et perdu. » Et le maestro Richie a chanté : « lanmou sòti nan kè, pa fè l pase mizè. »

Au lieu de vivre pleinement l’amour, nous préférerions empêtrer dans une démarche sans borne. C’est dommage notre nature est trop souillé pour entrer dans l’espace sacré d’un si noble sentiment. Dans notre charnalité, nos envies, nous sommes tous errés. C’est pourquoi la plupart du temps nous tous sommes victimes. C’est plus fort que nous. C’est l’expression de la pulsion de mort.

 Parallèle entre l’amour de l’homme et de l’animal

Chez les animaux, l’attachement aux parents est très vite oublié, toute sa vie, l’homme est supposé éprouver et éprouve en général de l’amour, de la considération du respect, de la gratitude envers les parents. Selon Michaël Balint, C’est le désir œdipien qui attache l’homme à un objet d’amour permanent, ou, en tout cas durable, c’est encore lui qui explique la paternité relative du sentiment filial, né de la dépendance aux parents. Et, en cela, l’amour de l’homme est différent de l’animal.

Si l’amour de l’homme est différent de celui des animaux alors l’amour devient un objet entre la main de l’homme. Mais, quel est cet amour ? Il est primordial de s’appuyer sur les travaux des anatomistes qui ont fait de grande découverte. Ils ont découvert que, sur le plan anatomique, l’homme ressemble à l’embryon de singe plutôt qu’au singe adulte. Les anatomistes en ont conclu que l’homme présente un retard du développement biologique, que du point de vue de sa structure c’est un fœtus, mais que, nonobstant, il a atteint un fonctionnement génial complet. Ce raisonnement explique certaines particularités de l’amour de l’homme.

De toute façon, l’homme et encore l’ensemble des animaux même les plus sauvage, exprime une forme d’amour, il y ait son omniprésence dans l’existence es être vivant.

L’amour est-il un produit de la civilisation ?

Les exigences que l’homme a introduites, que ce soit les liens émotionnels, le désir génial, le respect, etc. Donnent à l’amour un caractère traditionnel qu’on peut dire hérité des aïeux. Vu sous cet angle, ce qu’on appelle l’amour dans son sens le plus élargie, est devenu un artefact de la civilisation, comme l’art ou la religion. Cela est dû à cause de la manière dont l’homme s’organise pour vivre en société. Sur le plan psychanalytique, on distingue plusieurs stades dans l’évolution de l’amour chez l’homme.

Premièrement, on a l’amour oral, selon Freud, qui se manifeste de manière délibérée, qui ne demande aucune sorte d’éducation et ne risque pas de faillite. Ce type-là ne demande aucune sorte d’éducation parce que à ce stade, l’enfant n’a pas encore une identité. Ces réactions sont plutôt l’oeuvre du processus d’identification à ces parents et son entourage. Deuxièmement, on a le stade génital qui est beaucoup plus complexe que le stade pal. L’amour génital est beaucoup plus précaire parce qu’il suppose une satisfaction génitale. C’est Ferenczi qui a signalé que l’amour génital harmonieux nécessite donc une épreuve permanente de réalité, afin que les deux partenaires puissent découvrir et satisfaire dans le plaisir préliminaire le plus possible de leurs besoins et de leurs désirs mutuels.

Les différentes attributions que les dirigeants politiques plus particulièrement dans les pays démocratiques définissent comme valeur, détruisent l’essence de l’amour. Ce qui fait son caractère émotionnel et passionnel. Les différents changements qu’on apporte dans la façon dont on définit le sexe de l’homme pose problème.  Malgré tout, on ne peut pas affirmer avec véracité que l’amour est une invention de la civilisation quand nous savons qu’il y ait son omniprésence aussi chez les animaux. Ce qui fait l’amour proprement dit, l’attachement, n’est pas l’affaire exclusive de l’homme. Cela suppose que ça va au-delà de la du pouvoir de l’homme.

Conclusion

L’ensemble de ces considérations nous amène à une conclusion fascinante. D’une part, en considérant le terme même d’invention, cela suppose qu’il y existait déjà dans le monde intelligible. Le monde d’apparence n’est que le reflet du monde intelligible. Tout ce qui se produit dans notre monde a été déjà prémédité dans l’autre monde. Cela suppose que ce que nous appelons amour dans notre civilisation d’aujourd’hui n’est pas le fruit de la construction humaines. Il est divin. Cependant l’homme en tant que créature intelligent le façonne avec un art qui dépasse l’entendement des communs des mortels. Voilà quelque part ce qui crée la confusion.

Bibliographie

Balint , M.( 1972) les voies de la régression, ed. Payot

Bible , Louis Second

  1. Grunberger et J. Chasseguet-Smirguel, Les grandes découvertes de la psychanalyse, les stades de la libido, USA, 1980

Denis J. Mock (1989) survole le nouveau testament.

Theo Carlier (1981) la grandeur des idées freudienne, Canada, ed. Lafront

Ellen White (2912) Le meilleur chemin Ellen G. White Copyright © 2012 Ellen G. White Estate, Inc.

Freud, S. (1908) les théories sexuelles infantile, PUF,1972

Christian Gordon, Philosophie pour les nuls, Éditions First, 2007. Publié en accord avec Wiley Publishing, Inc.

Sternberg, RJ (2007). Sagesse, intelligence et créativité synthétisées. New York: Cambridge University Press.

Spinoza B.(1677) l’éthique, Paris : Les Éditions Ivrea, 1993, 367 pp.

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Joanes Jean

Psychologue de formation, homme engagé dans de nombreuses actions communautaires, Joanes JEAN est un amant de la lecture et de l'écriture. Il utilise sa plume pour peindre la réalité et pour essayer de participer au mieux dans la construction d'une nouvelle société.

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